Depuis plusieurs années, le textile traîne en Bulgarie une réputation sulfureuse. Gros titres des journaux relatent tous la même chose : l'exploitation forcenée des Bulgares par des investisseurs étrangers. La réalité est un peu plus complexe.
 
Certains investisseurs mal intentionnés, grecs, italiens, ont effectivement trouvé en Bulgarie, un havre proche des marchés européens, où tout est possible. Le faible niveau des salaires, la flexibilité du travail et la faiblesse des contrôles permettent ironiquement à la Bulgarie de rester compétitive face aux chinois…
 
Nous sommes allés à Dupnitza, ville industrielle qui a connu les barricades lors des grandes manifestations de 1997 pour tenter de comprendre. Là deux ouvrières sont décédées en février dernier, deux sœurs roms. Là une dizaine d'ouvrières se sont évanouies sous l'effet de la chaleur, là les jeunes préfèrent s'exiler en Espagne où existent désormais des liaisons de bus directes avec dupnitza, pour éviter de vivre la vie de leurs parents. Là le textile absorbe des générations entières de femmes comme unique solution d'emploi dans les campagnes, qui font vivre leur famille, où l'homme reste à la maison faute de travail. Il ne pourrait s'agir que d'une simple chronique d'exploitation du textile, une de plus. Mais les vapeurs de colles non autorisées, le manque d'aération, les discriminations, le paiement des toilettes, surprennent dans un pays qui rejoindra bientôt l'UE. Comment ceci est il alors possible ? La raison essentielle, c'est d'abord l'absence totale d'entrepreneurs et de structures capables de faire fonctionner correctement le pays en proie à la cooptation et la corruption. L'inspection du travail tente de réagir, mais avec trop peu de moyens et de soutien de l'Etat, et trop peu d'aide de l'UE pour pouvoir régler durablement le problème.
 
 Texte de Sébastien Daycard- Heid