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Ali 25 ans, a traversé la frontière syrienne avec son cousin il y a trois ans.
Il aide les réfugiés dans les camps et travaille avec les O.N.G.. Syrian eyes est le nom de son organisation composée d'un petit groupe de syriens et de libanais.
"Quand on a commencé Syrian eyes, c'était la pire période. Il y avait des combats réguliers entre le Hezbollah et les syriens à la frontière. On a été limité, notre immeuble a pris feu et on n'a pas pu reconstruire car on n'est pas enregistré.
Maintenant dans le camp où je travaille on a une clinique, deux docteurs, on a cinq personnes qui travaillent pour nous. Mais on n'a pas encore d'école.
On n'est pas enregistré donc c'est dur mais les O.N.G. nous aident un peu.
Pour travailler légalement, on doit avoir un sponsor ou un travail chez quelqu'un. On peut travailler comme balayeur ou dans le bâtiment mais c'est tout.
Mais je crois que c'est mieux ici que dans beaucoup d'autres pays. Il y a toujours 1,5 millions de réfugiés, les libanais supportent ça alors que leur histoire avec les syriens est compliquée.
Ils ne veulent pas que les syriens prennent le boulot des libanais.
Mais je fais plusieurs choses, j'ai un job dans une O.N.G., j'ai fait un reportage photo pour Amnesty International, je suis fixer.
Ce que nous faisons ici avec les camps, nous le ferons là-bas en Syrie. Il y a un problème d'alphabétisation, on doit travailler à l'éducation et leur donner l'occasion de créer leur propre travail.
Je suis étudiant maintenant, j'ai réussi à m'inscrire à l'université grâce à l'aide des O.N.G et de ce que j'ai fait pour eux. J'espère pouvoir terminer mon cycle universitaire avant de rentrer en Syrie."
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Ayham vit à Beyrouth depuis 7 mois. Né à Homs, il a vécu et travaillé à Alep puis est parti à Damas. À Alep, le centre hospitalier où il travaillait était devenu un centre pour accueillir toutes les milices. Il était très difficile de savoir qui était qui. Il a perdu cinq amis là-bas. Il est venu rejoindre sa sœur à Beyrouth qui y vit depuis deux ans. Il est psychologue mais ne peut exercer sa profession au Liban.
D'une part aucun libanais n' accepterait de travailler dans cette discipline avec un syrien et d'autre part aucun syrien n'a vraiment le droit de travailler légalement au Liban.
Ils sont donc tous contraints de travailler au noir. Cela se sait mais tout le monde laisse faire. Mais si cela vient aux oreilles de la sécurité Générale, cela peut être sanctionné par le retrait des papiers, du passeport.
Selon lui, la plupart des libanais pensent que les réfugiés sont des enfants des rues, des gens dans les camps dans une grande misère et ne pensent pas à eux comme à des partenaires potentiels pour travailler ensemble à améliorer la situation.
"Je travaille sur un projet pour la société civile syrienne. J'ai monté une équipe de six personnes. Pour travailler à définir ce qu'est la société civile à l'intérieur de la Syrie. Que pourra-t-on faire après la crise en Syrie lorsque la guerre s'arrêtera ? Il y a des challenges pour recommencer à construire, pas un immeuble, une rue ou un supermarché mais reconstruire les gens, les citoyens.
Le nom du projet s'appelle The Platform. Il y a tellement d'O.N.G. qui travaillent pour aider les enfants à apporter de l'aide humanitaire. Notre plate-forme va mettre en connexion les O.N.G. entre elles, partager les informations, aider à mettre en place des stratégies.
Je n'aime pas me considérer comme un réfugié. Je ne suis pas parti de la Syrie pour être un réfugié. Je crois que nous devons travailler pour notre société, pour notre maison. Si je voyage dans un autre pays que la Syrie, au Liban ou en Europe c'est pour acquérir de l'expérience, faire des recherches. Pour apprendre comment dans un autre pays on construit sa maison. Et pour ramener toute cette expérience et ses outils en Syrie.
La guerre en Syrie est une des raisons de mon départ mais ce n'est pas la seule. Je n'ai pas envie de te dire que je suis parti parce que j'ai peur, que je suis effrayé par la guerre. Non, parce que je n'ai pas peur."
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Famille El Jasem de Raqqa, à proximité du camp de Bar Elias, plaine de la Bekaa (est).
Ils ont eu deux enfants, tous deux atteints d'une maladie du sang. Un est décédé et le deuxième, toujours malade, est en sursis jusqu'à ses 16 ou 17 ans s'il ne se fait pas opérer. Le père témoigne.
"Je ne veux pas rentrer en Syrie, je veux faire voyager mon enfant pour qu'il se fasse soigner. Je dois lui mettre des plaquettes tous les mois alors qu'il suffirait d'une opération.
J'ai demandé aux Nations Unies l'autorisation de voyager pour l'opérer et on m'a répondu d'attendre mon tour quand l'ordinateur sortirait mon nom. Certains ont eu la chance de se faire opérer dans les îles britanniques."
La famille ne vit pas dans le camp de Bar Elias car si leur enfant attrapait le moindre microbe, il risquerait de mourir. Ils vivent chez une vieille dame libanaise dans le village d'à côté, depuis 5 ans. Avec cette dame âgée ils ont établis une relation d'entraide.
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Diaa, 27 ans, travaille dans une sandwicherie libanaise à Beyrouth. "Je suis arrivé à Beyrouth en 2013. Le gouvernement syrien me voulait dans son armée. Je ne veux pas me battre, je suis un pacifiste, je veux juste gagner mon propre argent et en envoyer à ma famille. J'ai pris mon frère avec moi pour qu'il n'aille pas dans l'armée non plus et il travaille aussi pour envoyer de l'argent et pour vivre car la vie est très chère ici. C'est difficile de vivre ici et d'obtenir des papiers. Parfois ils te font attendre toute la journée pour te dire de revenir le mois prochain. Les libanais en général haïssent les syriens mais il me faut un garant pour être dans la légalité car si on m'expulse en Syrie, ils vont me prendre dans l'armée."
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Sabah travaille pour KAFA, une ONG pour le droit des femmes basée à Beyrouth.
"Je suis venue seule illégalement au Liban, la sécurité me suivait car je suis une activiste féministe.
Je travaillais dans une ligue féministe en Syrie depuis 20 ans. On travaillait sur la question des droits des femmes mais c'était illégal à cause du régime. On s'est concentrée sur les lois familiales. Nous avons 6 lois familiales en fonction des religions. Toutes sont discriminantes pour les femmes. En 2011 lorsque la révolution a commencé, les féministes ont commencé à demander l'égalité. Le régime a refusé de nous écouter, nous tous, ceux qui demandaient la liberté, la dignité pour les femmes.
Je suis partie pour Beyrouth en 2013 où j'ai commencé à travailler pour KAFA, grâce à mon expérience sur les questions du genre. Je travaille avec les femmes réfugiées syriennes sur les questions de violence conjugale. On parle avec les femmes dans les camps, on se rend compte à quel point elles passent du temps pour la famille. La majorité d'elles sont musulmanes et pensent que Dieu peut les aider. Nous discutons alors de leurs croyances religieuses et comment leur vie pourrait changer.
Je fais aussi partie d'une organisation civile féministe syrienne qui travaille à donner du pouvoir aux femmes syriennes après la crise. Nous travaillons avec des femmes à construire la paix. Les femmes ont un rôle à jouer pour ramener la paix si un processus politique réussit. On a un énorme rôle avec les membres de notre famille, qu'ils soient avec le régime ou avec l'armée libre.
On entraîne les femmes à savoir comment discuter avec leur mari.
Je suis venue avec un contrat de six mois car je pensais pouvoir repartir mais maintenant je suis là depuis quatre ans. J'ai décidé qu'il fallait que je revienne en Syrie.
Je pourrais obtenir des visas pour voyager aux USA ou en Europe mais maintenant je souhaite que le processus de paix commence et je dois retourner dans mon pays.
Nous avons des choses à faire pour aider les réfugiés syriens, pas en Europe mais au Liban, en Turquie, en Jordanie et en Irak, car ces gens veulent rentrer en Syrie, ils sont très pauvres et n'ont pas d'argent pour voyager. Ils ne veulent pas voyager.
Nous devons aider les Syriens d'où qu'ils soient car c'est très dur d'entendre que les gens se fassent tuer. Les victimes sont tous des Syriens. Nous avons un gros challange avec l'E.I en Syrie mais nous connaissons les syriens. Il y a 100 ans, chrétiens, musulmans, wahhabites se respectaient et vivaient ensemble."
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Karim, 40 ans, palestinien et syrien, crée des films d'animations pour la BBC et est illustrateur jeunesse.
"Je suis arrivé à Beyrouth de Damas le 27. 07. 2012. Je dois demander mon visa tous les 3 mois et les syriens doivent payer 200 $ par an pour avoir un papier légal. Avec la situation en Syrie, il y a une crise économique et ils ont fermés les bureaux. Il n'y a plus de travail dans l'animation. Je suis venu au Liban parce qu'ils ont de l'infographie mais pas d'animation ici. Ils ont besoin de gens comme moi. Et je voulais garder ma vie et mon job.
Actuellement le Liban me plait mais il n'y a pas de futur ici et je ne peux pas retourner en Syrie. En tant que palestinien, je suis né réfugié mais je ne me sens pas comme un réfugié car j'ai mon propre plan, j'ai ma liberté et je fais ce que je veux faire."
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Maimana et Qamar, 28 et 27 ans. Qamar (à droite) témoigne.
"Nous sommes venues ensemble de Damas, il y a trois ans. Je suis étudiante en archéologie à l'université de Beyrouth depuis un an et demi. Maimana travaille sur un site archéologique.
je n'ai pas trop de problème pour avoir des contacts avec les Libanais, car je ressemble à une libanaise. Mais j'ai des amis qui ressemblent à des syriens et pour eux c'est pire car ils sont traités pour ce à quoi ils ressemblent. Nous n'avons jamais pensé que le Liban est un pays où nous voudrions rester vivre et avoir des rêves pour le futur. C'est temporaire ici, peut-être allons-nous retourner en Syrie ou vivre dans un autre pays. Les libanais n'auraient pas vraiment de problème avec le fait que nous travaillions mais le gouvernement oui. En tant que syrien on ne peut pas avoir de compte en banque, on ne peut pas acheter d'appartement, acheter une voiture.
On n'est pas censé le faire mais nous travaillons car nous ne pourrions pas survivre sans.
Certains disent : - Non, non, nous ne travaillons pas, nous recevons de l'argent de nos parents.
Parfois pour pouvoir travailler on te dit de gommer ton accent syrien. On te demande ça pour travailler dans les bars, les restaurants ou en secrétariat.
On trouve beaucoup de filles syriennes qui changent leurs vêtements, leurs cheveux, leur accent, juste pour entrer dans cette société. Mais nous, on ne le fera jamais.
Heureusement j'ai trouvé un job où ils ont besoin de syriens.
Je travaille pour une O.N.G. SOS Children villages. Là ils ont besoin de quelqu'un qui comprenne la culture syrienne."
Qamar et Maimana souhaitent aller en France pour étudier l'archéologie. Elles doivent d'abord apprendre le français durant un an.
À la question de leur possible retour en Syrie quand la guerre sera finie, M. souhaite y retourner pour travailler dans son pays. Q. y retournera s'il n'y a plus Bachar al-Assad, car elle ne supporterait pas de travailler dans un musée sous le portrait géant du dictateur.
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Yissra, 45 ans , camp de Farès, plaine de la Bekaa.
Elle était agricultrice et pharmacienne en Syrie.
"Notre situation au Liban n'est pas bonne, on a les jardins ça fait du bien au moral mais on n'est pas à l'aise. On n'a pas d'éducation, on n'a rien pour les enfants, ça va faire cinq ans.
Avant de travailler pour Syrian Eyes et Ali, on était en train de mourir ici." Ils ont construit eux-mêmes leur habitation et payent 90 000 livres libanaises par mois (55 €).
Elle a travaillé pendant deux ans dans un camp agricole de 5h à 14h puis de 15 heures à 18h. Elle était payée juste avec des légumes.
"Les libanais profitent de la situation. Ils ont profité de notre détresse. J'ai travaillé dans les maisons comme femme de ménage alors que je suis pharmacienne, on a profité de ma situation.
Depuis quatre mois que je travaille avec Ali, je me suis retrouvée, j'ai retrouvé mon intégrité, au début je me suis complètement perdue ici, on me considérait comme une moins que rien. Quand j'allais chercher du travail on me proposait de coucher pour 20 000 livres.
Je me suis sentie humiliée, je ne comprenais pas cette attitude, on est des frères, on est des arabes !
On s'est retrouvé très endettés et je n'avais plus de quoi donner à manger à mon fils.
Je me suis dit que si ça continuait comme ça j'allais devoir me prostituer.
J'ai dit à mon mari : si tu ne me vois pas demain c'est que je suis allée chercher du travail.
En sortant j'ai trouvé un billet par terre. Je me suis dit que j'allais faire quelque chose de mal et que Dieu m'avait fait un signe. Je culpabilise et vis très mal le fait d'y avoir pensé et d'être sortie pour faire ça."
Depuis qu'elle travaille avec Ali dans une boulangerie, elle se sent mieux et se bat, elle se dit qu'ils ne sont pas venus dans le camp pour mourir.
Avant, elle pensait retourner en Syrie malgré la guerre car elle préférait mourir là-bas que de vivre au Liban et être humiliée.
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Abdallah, camp de Bar Elias, plaine de la Bekaa (est).
Abdallah était agriculteur à Raqqa en Syrie. Comme tous les gens qui habitent ce camp, il a fui l'État Islamique qui a pris le contrôle de la ville dès 2011.
"Je souhaite repartir à Raqqa dès que ce sera fini même si tout est détruit.
Je reçois quelques aides pour m'aider à vivre mais dès le 10 du mois je n'ai plus rien.
Je paye 100 $ par mois pour l'habitation plus 50 $ d'électricité plus 50 $ pour l'eau."
De l'aide ils n'en reçoivent pas beaucoup et dans le camp les réfugiés sans ressources font la cueillette de cinq heures du matin jusqu'à quinze heures de l'après-midi pour l'équivalent de 6 euros par jour.
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Zaki 30 ans, écrit des chansons humanistes.
"Ma vie est comme celle de n'importe quel libanais, la vie est difficile pour les libanais et les syriens. Sauf que je n'ai pas mes parents ici.
Je suis arrivé à Beyrouth en 2012. C'est difficile de s'intégrer, de trouver du travail.
Je n'ai pas de papier mais je m'en sors toujours bien. Je comprends que pour un père qui a une famille avec plusieurs enfants cela puisse être tendu. Ils doivent accumuler du travail au noir et donc supporter des bas salaires et l'exploitation, ce qui peut les mettre en colère. Mais moi comme je suis seul, j'ai moins de choses à assumer et je peux donc me débrouiller comme musicien pour trouver des contrats et vivre presque normalement. Je ne suis pas dans la rancœur. Et quand on me demande mes papiers alors que je ne les ai pas, je trouve toujours une pirouette sympathique en expliquant simplement que je n'ai pas de papiers et les gens comprennent... ils savent."
Zaki a créé une chorale avec les enfants du camps de Chatila.
"Les gens dans Chatila sont comme dans des boîtes. Ils ne peuvent pas aller dehors. Quand j'ai commencé, ils n'aimaient aucune musique. Quand je travaille avec les enfants, ils ressentent une bonne énergie. Et de plus en plus de personnes veulent travailler avec moi dans la chorale.
La chorale et la musique, c'est pour les faire sortir de cette boîte et les faire sortir de ce camp. "