Roberto Zucco, Ball-Trap : depuis 7 ans, le comédien et metteur en scène Emmanuel Oger s'appuie sur les textes de Bernard-Marie Koltès et Xavier Durringer pour ouvrir le débat sur « le consentement de la femme dans la relation sexuelle » dans des banlieues marquées par des viols collectifs.
Joués par des jeunes de 20 ans eux-mêmes issus de banlieues difficiles, ces spectacles sont donnés devant des classes de collège où certaines élèves ont été des victimes. L'art des apprentis comédiens se mue en médiation sociale, les frontières se fragilisent.
Un travail de fond sur la responsabilité au sein du groupe social, où chacun des grands frères et grandes sœurs comédiens est amené à s'engager auprès des plus jeunes dans une œuvre de transmission.
Judith Bregman
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Émile 23 ans , habitant de Colombe, originaire de Côte d'Ivoire.
Statut d'étudiant étranger en Espagnol.«Les garçons ne se rendent pas compte de ce qu'ils perdent. Les filles sont vraies, et donnent d'elles-mêmes. Elles peuvent tout donner et sont les seules à avoir le sens du sacrifice. C'est tellement beau que c'est forcement bénéfique. A côté de ça, nous, on a notre fierté de mâle.
Mais parfois j'ai l'impression que les plus belles filles sont attirées par les mecs les plus méchants avec elles. Je connais une fille, son mec un jour pour une dispute de couple, pour rien, l'a prise et l'a mise dans une poubelle. Comme si c'était une merde, une ordure, bonne à jeter. Et la fille après est revenue vers lui en lui montrant que oui, il a eu raison de faire ça parce qu'effectivement, elle n'est qu'une merde, bonne à jeter aux ordures.»
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Phany 22 ans, habitant de la cité rouge à Asnières Gennevilliers, originaire du Congo. Étudiant en droit.
«Il y a un tel manque de respect de la femme. Je ne vais pas rentrer dans les clichés, mais avec ce qu'il s'est passé, les viols collectifs, les agressions, on la considère comme un objet.
La violence sur les filles, est aussi bien physique que psychologique ; «si tu ne fais pas ça, je m'en prendrai à un de tes proches !»
Ça me fait peur, j'ai une petite sœur, et il règne un sentiment d'insécurité.«Mes relations avec les filles se passent bien. Je n'ai jamais forcé une fille à faire ce qu'elle ne voulait pas. D'après ce que j'entends je suis plutôt agréable.»
«Les filles ici ne sont plus des filles, ce sont des garçons manqués. Soit elles ont peur de ce qu'il peut leur arriver si elles sont féminines, soit elles sont considérées comme des salopes si elles sont libres. Elles parlent avec un langage familier, et se fabriquent une carapace de protection. Entre elles, j'ai l'impression qu'elles retrouvent leur féminité. Elles l'expriment ailleurs.»
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Éloïse 19 ans, vit depuis peu à Paris, et a toujours habité à Cergy.
Étudiante en Japonais.«C'est de la consommation amoureuse. Il faut essayer d'avoir le plus, le plus tôt possible, pour surpasser tout le monde. Par exemple ; mes copines, leur conversation favorite, c'est ce qu'elles font avec leurs copains au lit. Aujourd'hui les relations entre garçons et filles durent moins longtemps. Deux mois maxi. Les filles ont un carnet d'adresse incroyable. La devise, c'est devenir une femme le plus vite possible. Et les garçons en profitent.
ils préfèrent s'afficher avec une fille sexy. On est dans une société qui vit de l'apparence.
Je tombe amoureuse mais à chaque fois ça m'arrête. Je m'empêche de flirter. Si j'aime quelqu'un, je n'ai pas envie que ce soit superficiel.Dans Jeune et Jolie, j'ai vu ce titre :
Comment si un garçon te plait, l'emmener du premier SMS à ta couette ? On ne leur donne que des profils de femmes adultes, mais c'est pas ça être adulte. On est plus mûre à 19 ans. On commence à grandir dans nos relations aux autres. On a une vue différente des garçons. On se détache de papa et maman. Tout le monde cherche à tendre vers plus de romantisme, pour dépasser la violence car il y a aussi les mariages arrangés. C'est un peu la jungle parfois. C'est la loi du plus fort.» -
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Stéphane 21 ans, habitant de Gennevilliers. Originaire du Cameroun. Lycéen à Villeneuve.
«Il y a un point de vue à changer pour les deux sexes. Il y a toujours un poids culturel et religieux. On a une conception de la place de l'homme et de la femme. Je suis jeune et je ne me sens pas coincé dans mon esprit, mais certains jeunes sont pris dans cet étau entre la culture française avec l'idée de la femme libre, et celle des parents qui donnent une autre mentalité ; la femme à la maison.
Et c'est aussi la mentalité de banlieue : La fille facile qu'on prend pour une poupée. C'est dur.J'ai des copines, je n'ai pas une conception de la femme objet. J'ai grandi avec des sœurs et cela me ferait bizarre d'être en contradiction avec le milieu dans lequel j'ai évolué. Pour moi ça se passe bien. Si je suis en couple, on se lâche. Il y a un moment où on s'accepte en tant qu'amoureux. Au bout de quelques semaines quand je suis dans la relation, c'est à fond.
C'est dommage qu'il n'y ait pas plus d'élans pour changer d'image. Certaines filles entretiennent leur image dans l'inaction. Il y aurait une mentalité à avoir ; l'idée qu'il ne faut pas se laisser faire. Pouvoir dire : Je fais ce que je veux. Oser la confrontation.Le mieux serait d'en parler. Je ne pense pas que les garçons aiment vraiment les filles faciles. Il y a des garçons qui voudraient que ça change et d'autres qui sont dans l'indifférence et se disent : Tant mieux, c'est une salope.»
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Karim 20 ans, habitant de Clichy. Originaire du Maroc. Etudiant en école de commerce.
«Les garçons sont très machos. Ils sont dominateurs. Les filles vivent en cachette et ont une image de sainte.
Mes amis sont tous plus vieux que moi. Les jeunes de mon âge, c'est génération TV, Internet, je ne les trouve pas très mûres. C'est du gâchis. Les jeunes ne vivent pas ce que pourrait et ce que devrait vivre un jeune.La fidélité et le concret se perdent, mais je me débrouille bien, je suis toujours resté ami. Les relations sont très sexuelles et tout se fait entre quatre murs. On peut prendre un verre ensemble mais rien ne se fait en société. Les filles sont bizarrement plus ouvertes aux relations directes et discrètes. Alors que les mecs ont plus de mal à l'accepter, et la fille qui se comporte comme ça passe pour une salope.
Pour moi c'est une histoire de rencontre et pas juste quelque chose de sexuel. Je fais aussi attention à ne pas trop en parler à ma mère sinon c'est le mariage tout de suite.Il y a tellement de choses à changer dans les relations d'aujourd'hui entre les jeunes.
Avec Internet, ça brise le face à face qu'il devrait y avoir. C'est critique.
Diam's disait : Après ta partie de PSP, on se retrouve par GPS…
Je connais des mecs qui vont en boite juste pour « chasser », alors que cela devrait se faire naturellement. Quand j'entends les filles, elles se plaignent plus qu'autre chose. On devrait faire plus d'efforts, ou alors ce sont les filles qui ne sont jamais contentes…
Pourquoi c'est la façon de s'aimer qui change alors que c'est nous qui devrions changer ? Il n'y a jamais de remise en question.» -
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Aurélie 23 ans, vit depuis peu à Paris, et habitait à Senlis sur Oise.
Adoptée, d'origine Balinaise. Apprentie comédienne.«On a envie de se rapprocher mais comme on réfléchit différemment la communication n'est pas simple, et les rapports sont complexes.
Tout dépend aussi de son parcours, son histoire et du milieu dans lequel on vit. Moi j'ai de la chance, je ne suis heureusement jamais passée par les choses tragiques dont certaines jeunes filles ont été victimes.»
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Cette expérience les renvoie également à la difficulté de leur apprentissage personnel de l'amour. A travers le portrait, je leur ai demandé de s'exposer une nouvelle fois et de s'engager avec leur corps, leurs gestes, pour exprimer ce qu'ils ressentent intimement sur le sujet.
3 questions :
-Que penses-tu des relations amoureuses entre les jeunes de ta génération ?
-Comment te sens-tu dans tes relations intimes ?
-Comment penses-tu que cela va évoluer entre les jeunes ?
3 réponses